Le conflit entre le Bénin et le Niger, exacerbé par l’avènement du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) au Niger, constitue une menace significative pour la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. Les positions initialement belliqueuses du président Patrice Talon à l’égard du CNSP, combinées à une méfiance croissante des nouveaux dirigeants nigériens envers le Bénin, ont engendré un climat de tension palpable susceptible de dégénérer en conflit ouvert.
Analyse de la Crise
Depuis le coup d’État au Niger, le CNSP a accédé au pouvoir, suscitant des réactions variées dans la région. Patrice Talon, réputé pour son franc-parler et sa fermeté, a adopté une posture résolument opposée aux nouvelles autorités nigériennes. Cette opposition a été perçue comme une menace par le CNSP, alimentant une méfiance réciproque. Le climat de suspicion et d’hostilité ainsi créé favorise des confrontations potentielles.
La décision mal calculée de briser temporairement le contrat de transport des hydrocarbures nigérien et insuffisamment soutenue par ses partenaires, prise par le chef de l’État béninois, a permis aux Nigériens de gagner en influence communicationnelle et en capacité de persuasion, au détriment du Bénin, tant à l’intérieur qu’au niveau régional et sous-régional.
Risques Économiques et Sociaux
Les conséquences économiques d’un éventuel conflit seraient désastreuses pour les deux nations. Le Bénin et le Niger, bien que relativement modestes économiquement, sont intrinsèquement liés par des échanges commerciaux vitaux. Une rupture de ces relations pourrait entraîner des pénuries de biens, une hausse des prix et une détérioration des conditions de vie des populations. Ce phénomène, déjà perceptible à petite échelle, pourrait rapidement devenir le terreau d’un soulèvement interne et d’un désastre social. Comme l’a souligné un politologue, les populations se soulèvent lorsque la contrepartie de la violation de leurs droits – notamment la sécurité alimentaire et la stabilité économique – est compromise. Nous atteignons malheureusement ce point de rupture.
De plus, la montée des tensions pourrait exacerber les divisions ethniques et religieuses, ou créer des alliances religieuses au sein de notre société en soutien au CNSP, posant ainsi un risque accru de conflits internes et de déplacements massifs de populations. Les progrès en matière de gouvernance et de développement au Bénin et au Niger pourraient être gravement entravés par une déstabilisation accrue.
Forces et Faiblesses des Débats Politiques
Les débats politiques actuels sont marqués par une polarisation extrême et une rhétorique enflammée. D’une part, la fermeté désormais « révisée » de Patrice Talon peut être perçue comme une défense de la démocratie et une opposition aux coups d’État. D’autre part, cette approche manque de finesse diplomatique et a conduit à l’isolement régional du Bénin. Patrice Talon aurait-il été sacrifié par ses pairs ?
Du côté nigérien, le CNSP cherche à consolider son pouvoir par des mesures souvent autoritaires, percevant toute opposition externe comme une menace existentielle. Cette posture défensive complique tout dialogue constructif.
Propositions de Solutions
Pour éviter une escalade du conflit, plusieurs mesures pourraient être envisagées :
- Dialogue Diplomatique Sincère: Un dialogue diplomatique franc et sincère est essentiel. Cependant, la réputation de Patrice Talon, décrit comme un homme sans parole en politique par plusieurs, perception suffisamment distillée dans l’opinion par son prédécesseur au moment de leur conflit , complique cette approche.
- Médiation Régionale et Décentralisée: Encourager une médiation régionale sous l’égide d’organisations décentralisées telles que des ONG ou des personnalités du monde politique ou religieux. La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), affaiblie par la crise nigérienne, manque de crédibilité pour mener de telles initiatives.
- Mesures de Confiance: Mettre en place des mesures de confiance, telles que des échanges de délégations et des projets communs, pour réduire la méfiance et favoriser la coopération.
- Engagement International: Solliciter l’appui des acteurs internationaux, notamment l’Union Africaine et la Russie, déjà proche du Niger, pour soutenir les efforts de médiation et de normalisation des relations.
- Promotion de la Société Civile: Impliquer les organisations de la société civile des deux pays pour promouvoir la paix et la compréhension mutuelle à travers des initiatives de dialogue intercommunautaire et des activités permanentes et continues.
La crise entre le benin et le Niger constitue une épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’Afrique de l’Ouest. Une approche diplomatique prudente, combinée à des initiatives de renforcement de la confiance, est essentielle pour désamorcer les tensions et prévenir un conflit aux conséquences catastrophiques pour la région.
Le conflit entre notre pays et le Niger est un défi complexe qui nécessite une réponse multiforme et coordonnée. Les efforts de médiation, les initiatives de renforcement de la confiance et l’engagement international doivent être soutenus par des réformes internes visant à promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance, la confiance dans les institutions, la responsabilité et la respectabilité des gouvernants, le respect de la parole donnée, le respect des engagements envers les populations et un climat apaisé et solidaire.
Seule une approche holistique pourra désamorcer les tensions et prévenir un conflit dévastateur pour la région.
Prenez soin de vous,
Richard Boni Ouorou
Politologue, président du mouvement libéral
Benin.